Nicolas Mispelaere
Acteur, chorégraphe de combats , musicien, professeur.
Bruxelles, Belgique
Passé/Présent/Futur : une partition lyrique
Un portrait réalisé par Maud Joiret dans le cadre du partenariat de BELA avec Grand Angle, le Salon d’artistes belges francophones des arts de la scène – Théâtre des Doms, Avignon, 17 & 18 juillet 2014. Nicolas Mispelaere et Jean-Michel Van den Eeyden participent à Grand Angle avec Les Villes Tentaculaires.
Voilà un sensible d’un genre bien particulier. Nicolas Mispelaere, comédien qui touche aussi un peu à la mise en scène, professeur à l’Académie d’Anderlecht, confesse être « plus attiré à lire un Shakespeare bien crasseux qu’un truc plus contemporain ».
Son envie de faire du théâtre est venue à 12 ans, assis au Théâtre royal du Parc, fasciné par l’interprétation de Jean-Claude Frison dans La Balade du Grand Macabre. Il s’inscrit à l’Académie d’Anderlecht et, comme une évidence, entre au Conservatoire de Bruxelles cinq ans plus tard. Un jour, Charles Kleinberg, qui y enseigne la déclamation, lui fait découvrir les textes de Verhaeren. (Touché !) Il s’empare du poème Saint-Jean, frappé par la musicalité et la puissance du texte.
Juste après, lui qui aime avoir des bases, solides, sacrément ancrées, s’inscrit en porte-à-faux avec le chemin qui aurait dû être celui de ses études. On ne le retrouve pas au Théâtre des Galeries, ni au Théâtre royal du Parc, ni aux Martyrs… Ça ne se place pas comme ça : il commence sa carrière à l’Ancre, à Charleroi, avec les spectacles de Jean-Michel Van den Eeyden. Le premier, Stone, un spectacle jeune public, l’ouvre à un autre type de théâtre qui n’est pas seulement axé sur le travail du texte. Le spectacle est un succès, il tourne pendant cinq ans. « C’était une espèce d’école, aussi. » Puis se crée Push up dans une mise en scène de Jean-Michel. La forme est très contemporaine, il y a des écrans un peu partout, des textes allemands actuels, un peu barrés.
À cette époque, à Bruxelles, il achète un recueil des Villes tentaculaires. Le hasard sonne juste. Il le lit dans le train entre Bruxelles et Charleroi. Flash/Coup de cœur. Il est complètement emporté par les mots et tout se met à résonner avec force. Des visions semblent prendre corps sur les quais qui rythment son trajet. Il faut monter le recueil de poésie de Verhaeren. Le projet des Villes est né. Ce sera un spectacle entier. Donc, avec de la musique…
Nicolas Mispelaere vit dans un rapport intense avec les notes et les mélodies. L’une des expériences les plus vives qu’il a vécue, c’était à Londres pendant la représentation de la comédie musicale Les Misérables. Malgré le côté suranné ou grand spectacle des productions de ce genre, le mélange des personnes sur le plateau et de la partition font exploser tous ses sens. Il ressent le besoin de ça et décide de situer la création des Villes dans un rapport contemporain.
Il rencontre Margaret Hermant, la première violoniste, de formation classique aussi. Elle travaille avec des groupes alternatifs comme Daniel Hélin et A Winged Victory for the Sullen.
Puis, sur un autre projet, il rencontre l’électro avec Ludovic Romain. (Une histoire de rencontres, cette création.)
Un soir, seul chez lui, il se prend à lire à voix haute L’usine sur une de ses compositions. Il y a là-dedans quelque chose qui se répond, qui fonctionne. Il bidouille le morceau pour caler la voix, triture la structure pour qu’elle s’accorde avec les mots et renvoie le produit de son expérience à Ludovic Romain. Lui aussi se laisse prendre par la proposition.
C’est à ce moment que Nicolas prend le risque de soumettre le projet des Villes tentaculaires à Jean-Michel Van den Eeyden, avec l’électro et un quatuor à cordes. Ça collait avec Charleroi, avec le projet de faire du théâtre d’aujourd’hui qui parle de l’urbanité.
Jean-Michel a amené l’idée des projections vidéo. Il a créé le lien entre l’art du mapping et l’électro. C’est lui qui invite les Dirty Monitor à venir ajouter un écho supplémentaire dans le spectacle au travers de leurs inventions visuelles . Le mapping est devenu un partenaire, un acteur à part entière.
Nicolas avait des envies précises notamment sur le langage musical et sa construction et des visions, des idées d’images pour le mapping. Jean-Michel s’est emparé de ça sur le plateau. Il l’a dirigé, l’a installé et a réuni les forces. Le résultat, au final, est un coup de force tant les pratiques se répondent et se complètent sur le plateau : quatuor à corde, comédien, électro, mapping.
Pour Nicolas, la création des Villes, c’est aussi une histoire personnelle. Une nécessité. Un point de rencontre avec soi dans son parcours. Elle correspond à un moment singulier, celui où on a besoin de sortir quelque chose de soi. « Il y a ce fameux truc du comédien : mais pourquoi est-ce qu’on ne m’appelle pas ? C’est quand on commence à avoir une insatisfaction professionnelle qu’on se dit : ce n’est pas ça que j’ai envie de jouer. » Les Villes c’est aussi l’affirmation d’une envie.
Ce n’est pas tout. Son élan, il l’ancre aussi dans son désir de transmission. Lui qui affirme ne pas pouvoir être comédien sans être professeur, il se réjouit que les écoles s’intéressent aux Villes tentaculaires ! Il est devenu à son tour un passeur de textes.
Mais c’est clair, les romans qui l’ont fait rêver quand il était gamin, c’était Les Trois Mousquetaires et Cyrano de Bergerac. Il a un côté lyrique, un peu magnifique, qui marche avec les grandes tirades, les envolées, les vieux classiques. Ses films de référence à l’époque ? Des «westerns vieux comme le monde, des films de cape et d’épée complètement surannés. » On n’est pas étonné que son projet en cours, avec un autre collectif, s’intéresse à l’escrime de théâtre et au combat de scène.
Nicolas Mispelaere romantique ? En tout cas il aspire à, il se démène, il vibre. Et, comme ce fut le cas dans son travail avec Jean-Michel Van den Eeyden, il adore qu’on l’emmène dans des endroits où il ne s’aventurerait pas.


Les villes tentaculaires

Concert Dirty Barrio
